On veut des humains… mais pas trop.
Et pourtant, c'est tout ce qu'on est.
Suite à mon texte "Les larmes les plus douloureuses sont celles que l'on ne pleure pas", j'ai reçu de nombreux témoignages qui m'ont profondément touchée.
Un message sortait du lot. Il m’est resté accroché au cœur.
Une femme m’a raconté une conversation difficile avec son patron.
Elle sent les larmes monter. Sa voix tremble.
Et lui, répond : “Ha non, là, tu ne vas pas pleurer !”
Elle quitte son bureau. Honteuse. Le sujet ne sera jamais repris.
Cette anecdote dit quelque chose de nous. De notre culture professionnelle.
De cette ligne invisible entre ce qu’on montre… et ce qu’on cache. De notre capacité à faire face à notre humanité.
Avant d’ouvrir un laptop, on attache des lacets. On gère les crises de nos ados. On pleure en laissant notre enfant à la garderie. On se soucie d'un proche malade. On a une conversation difficile avec la personne significative de notre vie. On tartine des toasts au beurre de peanut, en se disant que tout le monde verra nos cernes après une mauvaise nuit. On constate qu'on a oublié de payer une facture.
Avant d’être travailleurs, on est des gens qui tiennent des mains plus petites que les leurs. Et qui ont des soucis plus grands que ce que l'on pense possible de supporter.
Comme dans cette touchante photo de Marko Mastosaari — un adulte, un enfant, deux planches, une rue, un lien. C’est ça, notre réalité, même quand on l’enfile sous un veston cravate ou un tailleur.
On veut des humains au travail ? Parce que ce sont des humains qui y arrivent.
Nous ne sommes pas des KPI sur pattes.
Parfois, le coeur fatigue. Et ça ne rentre pas dans un tableau Excel.
On ne suspend pas notre côté humain à l’entrée du bureau.
Parfois, est-ce que, ce qu'on appelle “professionnalisme”, ne serait pas juste de l’évitement bien habillé?
On peut se sentir fragile ET être compétent.
On peut se sentir un peu dépassé ET demeurer digne.
On peut être profondément et intensément émotionnel.le… ET garder sa légitimité.
La vraie force ne tient pas toujours debout.
Parfois, elle s’assoit. Elle respire. Elle flanche un peu. Et elle recommence.
On ne devrait pas avoir à choisir entre être compétent et être sensible.
Et j'ose croire que peut-être, un jour, on n’aura plus à choisir entre être crédible… et être entier.
En attendant, je nous souhaite des refuges.
Des zones vraies.
Où on pourra simplement dire : “Aujourd’hui, je suis un peu tout croche.”
Sans explication.
Sans gêne.
Juste avec la confiance que personne ne nous jugera.
Et ce sera suffisant.
Et ce ne sera pas trop.
Cela vous parle? Je lirai vos commentaires avec toute l’attention qu’ils méritent. ❤️