Le travail: L'amour rendu visible?
✍️ Adaptation écrite de l'Épisode 12 Audio: "L'Art d'ÊTRE humain... au travail. Et l'amour dans tout ça?" ✍️
Bonjour à vous, chers lecteurs/lectrices et passionné.e.s du développement humain!
Vous avez été nombreux à apprécier mon dernier envoi audio (Gratitude! 🥰) sur le thème de "L'amour au travail".
➡️ Cliquez pour y accéder: 🎧 (Ép #12): L'Art d'ÊTRE humain... au travail. Et l'amour dans tout ça?
J’ai reçu plusieurs messages de personnes qui souhaitaient avoir la version écrite pour en relire le contenu ou pour pouvoir la partager avec des collègues.
Alors je suis ravie de vous offrir aujourd'hui l’adaptation écrite. Ce format vous permettra de revisiter certains passages, de souligner des idées qui vous touchent particulièrement, ou simplement de faire découvrir ces réflexions à votre entourage.
Prenez votre temps pour digérer ces pensées sur la place de l'amour dans notre vie professionnelle. Ces mots sont là pour vous accompagner dans votre quotidien, pour être relus quand vous en ressentez le besoin.
Bonne lecture,
Introduction
Qu'est-ce que l'amour au travail? Une utopie naïve et new age? Réservé aux adeptes de mantras positifs. Aux mystiques en quête d'éveil? Aux disciples de la psycho-pop?
Déjà, parler d'amour comme force transformatrice et comme salut possible de notre humanité, c'est un challenge. Donc, imaginez, parler d'amour dans le monde du travail, comme souffle vital de nos organisations, comme essence même de nos relations au travail...
L'amour n'est pas facile. Ni au travail. Ni ailleurs. Pourtant, sans amour, nous risquons de perdre quelque chose de vital.
Récemment, j'ai été invitée comme conférencière pour explorer et faciliter un dialogue autour de la place de l'amour dans le monde du travail.
Voici une partie de la récolte de mes réflexions et de ce dialogue.
Quel serait le contraire de l'amour?
Le pouvoir?
Carl Jung disait que l'inverse de l'amour n'est pas la haine, mais le pouvoir. Je préciserais : "le pouvoir-sur" les autres, et le pouvoir dans les mauvaises mains. (versus le pouvoir -avec les autres). Le “pouvoir-sur” est cette tendance à contrôler, dominer ou manipuler les autres pour atteindre nos objectifs. C'est un pouvoir qui écrase plutôt que d'élever. À l'inverse, le “pouvoir-avec” est collaboratif, il amplifie les forces de chacun et crée un espace où tous peuvent contribuer pleinement. Le pouvoir-sur créé de la souffrance.
L’indifférence?
Patricia Bourrié, psychothérapeute et auteure française reconnue pour ses travaux sur les relations humaines et la communication bienveillante, nous rappelle que le contraire de l'amour, ce n'est pas la haine, mais l'indifférence. Car l'indifférence, c’est une mort relationnelle. L'indifférence crée une déconnexion et une déshumanisation.
La peur?
Et plusieurs disent que l'inverse de l'amour, c'est la peur, qui elle peut nous faire tomber dans le contrôle, la complaisance, nous paralyser ou tout autre conditionnement.
Et si ces trois éléments étaient vrais? Dans nos organisations, ces trois forces dansent ensemble : la peur, le pouvoir-sur et l'indifférence.
Et si l'absence d'amour se manifestait de ces trois façons : par la peur qui nous paralyse, par l'indifférence qui nous déconnecte, par le “pouvoir-sur” qui créé de la souffrance?
Une des entraves à l'amour: Accepter de se laisser aimer
La veille de cette invitation à cette conférence-dialogue, un ancien participant à mes parcours de leadership, m'a écrit pour m'offrir un témoignage. L'amour avait été sa bouée de sauvetage face à l'épuisement. Mais pas dans sa capacité à en donner - dans celle à en recevoir. À s'en offrir à lui-même, à s'aimer. À s'ouvrir en vulnérabilité à son équipe et s'autoriser à en recevoir. Il a été aimé, il est passé à travers sa période d'adversité, et il a guéri.
Parfois, nous sommes en détresse, en souffrance. Nous cherchons des solutions à gauche et à droite, mais elles sont là, dans ces offres de soutien que l'on refuse pour ne pas être un poids, ou car, dans notre rôle, il est impensable de se montrer vulnérable.
En accompagnant des leaders, je remarque souvent ce paradoxe : ce sont des personnes très aimantes, mais c'est recevoir l'amour qui est en jeu pour elles. Comme c’est le cas pour plusieurs d’entre nous…
Car se laisser aimer peut nous demander de faire face à nos fragilités, nos vulnérabilités, notre sentiment de ne pas en faire assez, ou de ne pas être assez.
Une seconde entrave à l'amour: La difficulté à demeurer sur notre chemin d'amour
Ce qui m'apparaît, c'est que le défi, ça n'est pas seulement d'être aimant... c'est de le rester!
Dans les situations difficiles, les conflits, les conversations courageuses, par exemple. Un autre participant, qui avait vécu une semaine intensive de leadership avec nous, m'a partagé ceci. Il me dit: "J'étais tout juste de retour de ma semaine, à peine arrivé à la maison, que ma femme m’exprime les difficultés qu'elle a vécues cette semaine-là, pendant mon absence, avec les enfants et le boulot." Il poursuit: "Je me connais, normalement, j'aurais justifié et rationalisé. Et là, je l'ai juste écoutée! Tellement qu'elle a été surprise! Et touchée! Ce retour à la maison aurait pu se passer bien différemment!"
Que s'est-il passé pour lui? Et bien... il avait le cœur grand ouvert, à la fin de cette semaine de connexions, de profondeur et d'humanité. Il était sur son chemin d'amour...
Imaginez ce qui pourrait se produire dans notre monde, nos communautés, nos familles, si chaque personne pouvait expérimenter ça!
L'amour au travail, j'en suis convaincue, a un impact qui transcende les frontières de nos lieux professionnels. C'est la possibilité de revenir du boulot avec de la vitalité, le cœur, ouvert et ainsi, être ce que l'on souhaite être, pour nos proches! Au lieu de revenir lessivés, désabusés et démoralisés!
Voilà le sens profond pour moi de l'amour dans nos lieux de travail et nos organisations.
Ensuite, et bien, il y a ceux et celles qui nous sont, disons, plus "difficiles à aimer" 😁 .
Peut-être que, pour vous, c’est cette personne qui vous coupe systématiquement la parole, qui ne vous voit pas, qui vous semble froide. Les gérants d'estrade, ceux qui veulent toujours avoir raison. Cette personne qui, sans trop que vous sachiez pourquoi, ne vous revient simplement pas, que vous ne comprenez pas, qui a des convictions ou idées différentes des vôtres, qui vous crêpe le chignon. Peut-être aussi, les trop pessimistes ou les trop joyeux; les prétentieux; les tits Jos connaissants; les casseux de party; les chialeux; celles qui ont tout cuit dans le bec; que leur bec ne leur arrête pas; ceux dont l'ouverture d'esprit est étroite. Bref... ceux que l’on considère plus difficiles à aimer!
Je crois profondément, en fait, je sais, d'expérience, qu’en toute personne, une fois vue et accueillie sans condition dans ce qu'elle est et vit (lorsqu'elle est aimée au fond), se crée un espace. Elle baisse sa garde. Et là, uniquement là, une connexion peut se créer. Voilà ce que l'on peut être pour l'Autre, même les plus difficiles à aimer: une personne créatrice d'espace intérieur.
Une histoire d’amour avec une coachée
Je me souviens d'une coachée qui m'avait été référée il y a une dizaine d'années. On me l'avait décrite comme dure, réactive, autocratique et arrogante.
Dès nos premières rencontres, j'ai constaté que son comportement reflétait effectivement ce qu'on m'avait décrit. Elle reproduisait ces comportements avec moi : me coupait la parole, remettait en question mes approches, adoptait une posture défensive. Je me sentais constamment mise à l'épreuve.
J'ai dû admettre qu'il m'était difficile d'être à mon meilleur avec elle. Je sentais ma propre garde se lever, mes propres stratégies de protection s'activer.
Puis, un jour, j'ai choisi de lui offrir une rétroaction à la fois courageuse et vulnérable. J'ai nommé l'impact émotionnel de ses comportements sur moi, avec beaucoup de douceur et de sensibilité, à partir de mon ressenti, sans parler de ses comportements, mais de leurs impacts.
Quelque chose s'est passé. Nous avons pleuré ensemble. Pour la première fois, elle a baissé sa garde et m'a parlé de son enfance, des manques d'amour qu'elle avait vécus, et comment ses blessures avaient forgé ses stratégies de survie. Comment derrière cette carapace de dureté se cachait une petite fille qui n'avait jamais été vue dans sa vulnérabilité.
C'est à ce moment précis que mon cœur s'est véritablement ouvert. Je l'ai vue, vraiment vue. Plus la femme arrogante, mais l'être humain dans toute sa complexité et sa fragilité. Je l'ai aimée, bercée métaphoriquement dans cet espace sécuritaire que nous avions créé ensemble.
Un miracle s'est produit sous mes yeux. Un moment de grâce dont j'ai été témoin privilégiée. Cette femme que tous trouvaient si difficile à aimer a commencé à s'adoucir, à s'ouvrir, à transformer ses relations.
Ce n'était pas une technique sophistiquée qui avait fait la différence. C'était simplement l'amour bienveillant - l'accueil sans condition de ce qu'elle était et vivait.
Comme le disait si bien Carl Rogers :
"Les personnes sont aussi merveilleuses que des couchers de soleil si on les laisse être. Quand je regarde un coucher de soleil, je ne me surprends pas à dire : 'Adoucissez un peu l'orange dans le coin droit.' Je n'essaie pas de contrôler un coucher de soleil. Je l'observe avec émerveillement tandis qu'il se déploie."
Alors, l'amour dans le monde du travail et dans nos organisations…Une utopie? Possible? Nécessaire? On fait comment?
L'amour dans le monde du travail, ça n'est pas de danser en tutu dans un Conseil d'Administration. Ni de se faire des câlins collectifs. Ni de se tenir par la main et chanter Kumbaya!
C'est, comme le dit le poète libanais Khalil Gibran, de rendre l'amour visible!
Voici ce qu'il écrit dans Le Prophète:
"Vous travaillez pour vous maintenir au diapason de la terre et de l'âme de la terre. Quand vous travaillez, vous êtes une flûte où, à travers son cœur,, les soupirs de vos heures se métamorphosent en mélodie. Et vivre en harmonie avec le travail c'est en vérité aimer la vie, Et aimer la vie à travers le travail c'est être initié au secret le plus intime de la vie. Et qu'est-ce que travailler avec amour ? C'est tisser un vêtement avec des fils tirés de votre cœur,, comme si votre bien-aimée devait le porter. C'est construire une maison avec affection, comme si votre bien-aimée devait y habiter. C'est semer des graines avec tendresse et récolter la moisson avec joie, comme si votre bien-aimée devait en manger le fruit. C'est insuffler en toutes choses que vous façonnez un zéphyr de votre esprit, La grandeur réside en celui qui transforme la voix du vent en une mélodie rendue plus suave par son propre amour. Le travail est l'amour rendu visible." Khalil Gibran, Le Prophète
L'amour rendu visible. C'est:
La compassion: Mettre notre bonté en action.
Offrir notre pleine présence. Quand on est avec quelqu'un, être toute là.
Voir les gens, les voir pour vrai.
Leur offrir un regard positif inconditionnel
L'accueil entier de toutes leurs expériences humaines, même si ça ne fait pas notre affaire qu'ils se sentent comme ceci ou comme cela. C'est LEUR expérience.
Faire en sorte que chaque personne que l'on croise reparte mieux que quand elle est arrivée.
Voilà pour moi ce qu'est l'amour.
Une présence à incarner
Une curiosité du cœur,
Constamment se demander:
Comment rester dans mon chemin d'amour? Au lieu de celui de la peur, du “pouvoir-sur” ou de l’indifférence?
Que ferait l'amour à travers moi en ce moment?
Aimer, notre job d’humain?
Je me dis que c'est ça, ma mission de leader et d'intervenante : aimer. C'est ça notre job d'humain! De conjoint.e.s, d'ami.e.s, de parents.
D'ailleurs, je vous invite, ceux et celles qui s'intéressent au leadership ou qui sont des leaders, à visionner cette vidéo de Gianpiero Petriglieri, psychiatre de formation et professeur à INSEAD, expert en leadership: Leadership is a kind of love. Il y présente cette idée: le leadership n'est pas "semblable à l'amour", mais bel et bien... une forme d'amour.
Aux coachs, intervenants, accompagnateurs, facilitateurs, je dirais : oui, maîtrisons nos outils et nos pratiques, cultivons un esprit curieux et ouvert. Mais surtout, gardons le cœur grand ouvert. Les traversées que nos clients doivent entreprendre sont souvent difficiles et semées d'embûches. Notre travail essentiel est donc de rendre ces chemins plus accessibles, plus sécurisants, en y apportant ce qui transforme véritablement : l'amour bienveillant.
Nous devons rendre l'accès à l'amour visible et facilité pour qu'ils y puisent quand ils en ont besoin, surtout s'ils en ont manqué dans leur vie. Et rappelons-nous que même ceux d'entre nous qui n'ont pas reçu suffisamment d'amour dans leur jeunesse peuvent apprendre à l'offrir pleinement. Cette capacité d'aimer n'est pas définie par notre passé, mais par notre engagement conscient dans le présent. Souvent, c'est même cette conscience de son importance qui nous permet de la cultiver avec plus d'intention et de profondeur.
Car au-delà de nos techniques, c'est cette présence aimante qui fait toute la différence.
Et si c'était ça l'art d'être humain?
De rendre l'amour visible dans nos lieux de travail?
Le 31 décembre 2021, on a demandé à Louise Latraverse : “De quoi la COVID ne viendra pas à bout?” Elle a lancé comme un cri du cœur : “L'amour, crisse!” Cette phrase est devenue un mantra.
Merci Louise, car encore aujourd'hui, en 2025, avec tout ce que l'on traverse, il y a une chose qu'on ne peut pas nous enlever : l'amour!
Superbe épisode, c’est magnifique et inspirant. Vive l’amour dans tout son sens ✨💗